"Je montrerai tout. Mon coeur, mes émotions. Vert - rouge - jaune - bleu - violet. Haine -amour - rire - peur - tendresse". Niki hait l'arête, la ligne droite, la symétrie. A l'inverse, l'ondulation, la courbe, le rond ont le pouvoir de déliter la moindre de ses tensions. Délayer les amertumes, délier les pliures : un langage architectural qui parlerait la langue des berceuses. Aussi vit-elle sa visite au parc Güell comme une véritable épiphanie. Tout ici la transporte, des vagues pierrées à leur miroitement singulier. Trencadis est le mot qu'elle retient : une mosaïque d'éclats de céramique et de verre. De la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple. Si je comprends bien, se dit-elle, le trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l'unique pour épanouir le composite. Broyer le figé pour enfanter le mouvement. Briser le quotidien pour inventer le féérique. Elle rit : ce devrait être presque un art de vie, non ? "J'aime l'imaginaire comme un moine peut aimer Dieu".
Originaire de Valenciennes, Caroline Deyns est l'auteure de Tour de plume et de Perdu, le jour où nous n'avons pas dansé (Philippe Rey, 2011 et 2015). Elle est agrégée de lettres et réside à Besançon.