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A la fois figure familière du panorama poétique espagnol depuis plus d'un demi-siècle et récemment redécouvert dans son pays, qui le récompensa de prix prestigieux, José Hierro (Madrid 1922 - Madrid 2002) devint un classique immédiatement après sa disparition et méritait que l'on connût sa poésie de ce côté-ci des Pyrénées également. Cette poésie, pas plus que son auteur, ne "s'exila" dans des terres abstraites ou virtuelles, mais elle parvint à dire ce quelle voulait signifier en toute époque, des années quarante aux années quatre-vingt-dix, notamment dans une période, celle de la censure du régime franquiste, où il était dangereux de braver les interdictions de penser ou d'écrire différemment par rapport à la vulgate officielle. Peut-être parce que Hierro considère que sa poésie, et que toute poésie, doit surtout servir à "témoigner", l'artiste est alors pour lui celui qui "ne veut pas seulement raconter ce témoignage, mais le transmettre, transmettre cette maladie par l'intermédiaire de l'aiguille de l'art", selon les propres mots du poète, quelques mois avant sa mort. Cette anthologie, la première à paraître en France de ce grand écrivain de langue espagnole, embrasse la totalité de sa production poétique, de ses tout débuts en 1947 avec Terre sans nous (Tierra sin nosotros) jusqu'en 1998 avec Carnet de New York (Cuaderno de Nueva York) et montre la cohérence d'un parcours de vie et d'écriture, où le social et l'intime se conjuguent à l'envi, entre poèmes de "reportage" et d'"hallucination" - comme les baptisa la critique -, et, parfois, dans un mélange de ces deux stratégies d'écriture : des poèmes, en tout cas, où la préoccupation de l'humain dans l'Histoire ravagée n'empêche pas l'attention à des formes exigeantes et renouvelées, en dépit des modes et des censures, pour que le lecteur ait toujours accès à ce que veut lui faire partager José Hierro : "tout ce que je sais de moi" et des autres.