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Comment expliquer une action morale sans la qualifier de bonne ni de mauvaise ? Peut-on juger une personne en une circonstance ponctuelle sans juger, à travers celle-ci, ce qu'elle est ? Une croyance, théorisée et diffusée dans le sous-continent indien, veut que le karman bon ou mauvais explique de façon définitive toute action humaine, rapportée aux vies antérieures de l'agent et à ses autres actions, marquées de la même valeur. Exprimé par le rite sacrificiel et la morale, la mort et la naissance, les dieux et les hommes, le karman hindou reçoit ainsi une unité de sens modelée sur l'unité des existences : chaque être se constitue et reconstitue selon un ordre qui prend sa source là où l'ont laissé, vivant ou mort, ses actions antérieures. En Inde, on ne peut être sans avoir été. Originales, car sans précédent et sans équivalent, les sources hindoues du karman s'offrent ici à l'imprécision d'une étiquette qui n'adhère pas, faute de prise, à ce qu'elle croit innocemment connaître, comme à l'indifférence du spécialiste qui reste à la porte de ce qu'il estime être sa propriété. Elles contribuent à l'identité d'une civilisation qui a fait du karman un de ses maîtres-mots, et de sa connaissance une ressource essentielle.
Normalien agrégé, Etienne Osier-Laderman est titulaire d'un doctorat en philosophie indienne. Il enseigne au lycée Camille Claudel de Vauréal (Val d'Oise).