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Gracienne Laurence possède cette qualité humaine, hautemment appréciable et qui se fait rare, de beaucoup plus parler des autres que d'elle-même. Le présent ouvrage, écrit pourtant à la première personne du singulier, s'apparente en réalité, plutôt qu'à une autobiographie, à la fois à une peinture des sociétés antillaises observées depuis la maternité d'une commune de la côte atlantique de la Martinique et à une réflexion critique - éclairée par plus de quarante années de pratique du métier de sage-femme - sur l'obstétrique dans le système hospitalier français en général et dans celui des colonies françaises des Amériques en particulier. Développant une analyse sur le temps long de cette spécialité médicale dont le but premier n'est pas de guérir mais d'accompagner les femmes tout au long de leur grossesse et dans leur accouchement, le témoignage de Gracienne Laurence permet de découvrir les origines et le développement des méthodes et pratiques obstétricales perfectionnées à partir du 16e siècle dans le royaume de France et seulement au quasi mitan du 20e siècle en Martinique. Mais, dans la métropole comme dans sa colonie, l'histoire qui nous est contée est aussi celle de la mise à l'écart des femmesA : mise à l'écart progressive des anciennes matrones qui s'occupaient des naissances durant la période esclavagiste et jusqu'à la fin de la société d'habitation dans la seconde moitié du 20e siècle, mise à l'écart également des sages-femmes - qui ont pourtant elles-mêmes inventé et perfectionné leur Art - par les grands pontes de la médecine et de la chirurgie, dépossession - enfin - des femmes de leur propre corps. En creux, en illustrant son propos de situations vécues par ces femmes confrontées à la peur de l'enfantement et faisant face, pour un certain nombre d'entre elles, à une précarité affective et/ou sociale, en critiquant les évolutions néfastes comme en se félicitant des progrès réalisés dans la gestion de la douleur (jusqu'à parfois son absence), Gracienne Laurence offre un outil de connaissance à ses lectrices - déjà mères ou futures mères - comme au lecteur en général ; convaincue que le savoir partagé avec l'ensemble de la société humaine est la clé pour une venue au monde la plus apaisée possible. Un document de première main tout à fait original et un bel hommage à une profession admirée souffrant pourtant d'un manque de reconnaissance.