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" Rendre ses voeux ", c'est tout à la fois se rendre au lieu où pourra être formulé un vœu et rendre à ce lieu la promesse qui fut faite de l'exaucer : par ce contrat qui le relie à un sanctuaire précis et qui unit étroitement pénitence, quête du miracle et conversion intérieure, le pèlerin reconnaît la puissance de la Vierge ou du saint invoqués dans le besoin, l'affliction ou la détresse. C'est à la vigueur méconnue des pèlerinages de l'Europe moderne que s'attache ce livre. Il a cherché à recueillir les sources propres à nous faire comprendre l'acte pèlerin lui-même : dans les délibérations de confréries, les récits de pèlerinages ou de processions, les règles d'ordres religieux, les représentations imagées ou les dispositifs architecturaux se donne à lire une pratique tout à la fois commune et singulière. Une identité pèlerine se dessine ici, identité de passage rompant avec la grisaille du quotidien mais revendiquant aussi un droit, dont l'usagé l'a peu à peu irréversiblement transformée. En dépit des dispositifs de contrôle établis du XVIe au XVIIIe siècle par les bureaucraties ecclésiastiques ou étatiques, le pèlerinage a opposé sa propre dynamique à un encadrement de plus en plus strict. Malgré la déchirure de l'ancienne chrétienté en confessions antagonistes, qui a infléchi et remodelé parcours traditionnels et comportements dévots, il a su demeurer acte sacral : participant de la transgression et de la légitimation d'un ordre présent ou à venir, il a dissous l'ordre ancien et ses pesanteurs pour mieux restaurer, ressourcer, resacraliser le lien social. Le pèlerin de l'âge moderne a ainsi accéléré la redéfinition de l'articulation entre espace civil et espace religieux.