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Rassemblés autour de l'idée toute simple que la langue est d'abord un produit social héritier des conflits dans lesquels elle s'est trouvée à la fois militante, médiatrice et dépositaire, ce recueil d'articles et de chroniques illustre en partie un vocabulaire sollicité par les dissensions sociales, celui de la grève. On y verra comment se met en place - au XIXe siècle surtout - la résolution symbolique des conflits, soit dans des consensus provisoires sur le sens, des tabous ou des novations en langage, soit par des mots flous que déchirent des sémantismes et des appropriations contradictoires. Aucun terme de ce champ qui ne soit en même temps enjeu de polarisation, de modalisation, de coloration ou d'exclusion. Condamnation des Crics et des coalitions, phagocytages de peuple et d'ouvriers, opprobre sur les jaunes, aménagement patient des confréries, des compagnonnages, des mutuelles, des bourses et du syndicalisme confédéré, brandissement du Grand Jour puis du Grand Soir, rejet officiel dans les argots ou reprise à contre-courant des tenants du parler populaire... A la limite, l'incertitude de la désignation (association, grève) tendrait à faire oublier les enracinements du vocabulaire au cœur des représentations sociales et à faire croire aux définitions minimales et abstraites des dictionnaires. Or, il parait clair aujourd'hui que le mythe d'une langue qui serait neutre a définitivement vécu. Les mots ne sont pas grains de sable sans poids dans le vent de l'histoire. Ils sont le vent et l'histoire.