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Entre le despotisme de Richelieu et celui de Louis XIV, un intermède de désordre et de liberté : la Fronde, dont le souvenir se dépose bientôt dans un livre majeur : les Mémoires du cardinal de Retz. Que sont les Mémoires ? Un récit partial et allègre des événements, une galerie de portraits à l'eau forte, une écriture alerte, une ironie dont l'auteur ne s'excepte pas, et, sous-tendant tout cela, une vision désenchantée de la politique et de l'histoire, où une anthropologie pessimiste à la manière de Pascal se conjugue avec l'éthique cornélienne de la grandeur et de l'héroïsme. Pour Retz, en cela fidèle à l'esprit de son temps qui est celui du baroque, un modèle guide la réflexion : celui du théâtre. La politique et l'histoire sont un spectacle, joué par des acteurs, les Princes, les Grands, devant un public silencieux, dont le jugement sera pourtant décisif, puisqu'il lui appartiendra d'accorder ce qui est recherché : la gloire. Cependant, la politique et l'histoire comme spectacle présentent certaines particularités : la pièce n'a pas d'auteur identifié et sa cohérence est rien moins qu'assurée ; les acteurs à la fois mûs et aveuglés par leurs passions, sont à des degrés divers insensés, individuellement et plus encore lorsqu'ils agissent collectivement ; l'État, terrain et enjeu de leur confrontation, est affligé d'une contradiction mortelle entre la proclamation du pouvoir absolu du monarque et l'inéluctable reconnaissance de la puissance de fait du peuple ; il ne peut survivre qu'en enveloppant cette contradiction d'un mystère impénétrable. Enfin, la politique et l'histoire sont l'empire de la déraison et de l'irréel ; à la différence de ce qui se produit dans la nature, il n'y existe aucune proportion définie entre la cause et l'effet, et le hasard y tient une place irréductible ; par ailleurs, en politique et en histoire, l'imaginaire l'emporte sur le réel, et la parole compte plus que les actes. Dans un tel univers, l'action est malgré tout posible, parce que s'il n'y a pas de logique du réel, il y a bien en revanche une logique de l'action. Celle-ci suppose, d'une part, la définition d'objectifs situés juste au-delà de la frontière reconnue du possible et, d'autre part, le respect d'une cohérence rigoureuse entre la fin et les moyens. Ainsi deviennent possibles des destinées héroïques qui, pour Retz, relèvent exclusivement d'un jugement esthétique : furent-elles grandes ? furent-elles belles ?