Les poétiques de l'incomplétude qui sont examinées ici concernent non pas des oeuvres laissées inachevées par accident (par exemple du fait de la mort de l'auteur) ou par abandon, mais des oeuvres achevées intégrant un principe d'incomplétude dans leur définition même, constitutivement, comme dans l'esthétique de "l'oeuvre ouverte" au sens d'Umberto Eco. La réflexion qui sert de fil conducteur à ce volume, et qui a déterminé son plan, est partie d'une nécessaire historicisation de la problématique : en effet, un certain nombre d'événements esthétiques (la mise en question du classicisme au milieu du XVIIIe siècle) et d'événements historiques (la Révolution Française, les guerres mondiales), ainsi que certains bouleversements dans les représentations scientifiques et philosophiques du monde, ont entraîné des changements de régime d'historicité (pour reprendre l'expression de l'historien François Hartog) et des changements de régime de subjectivité qu'on peut percevoir à l'origine de la part de plus en plus grande que ces marqueurs d'incomplétude ont prise dans la forme des oeuvres littéraires depuis bientôt trois siècles.
Parmi les auteurs qui seront abordés dans ce volume, on trouvera Sterne, Diderot, Wezel, Hoffmann, Nodier, Balzac, Flaubert, Amiel, Baudelaire, Villiers, Mallarmé, Fénéon, Proust, Valéry, Kafka, Pessoa, Artaud, Michaux, Beckett, Barthes, Jabès, Schwarz-Bart, Perec, Duras, Cixous, Novarina, Bergounioux, Emaz, Tarkos, Ferrari, Balpe...