Biographie de Gilles Aillaud
Gilles Aillaud (1928-2005)? : passionné de dessin dès l'enfance, il entame dans un premier temps des études de philosophie avant de se tourner vers la peinture en 1949. Son travail se situe d'emblée dans une tradition figurative - notamment en réaction à la pratique de l'abstraction qui domine le champ des arts plastiques à cette époque - et se concentre au cours des années 1950 sur la représentation d'oiseaux et de paysages marins.
Peintre, poète, auteur dramatique et scénographe, Gilles Aillaud réalise sa première exposition personnelle à la Galerie Niepce à Paris en 1952. En 1964, il entre au comité du Salon de la Jeune Peinture, dont il devient le président l'année suivante. Outre ses nombreuses expositions en France et à l'étranger depuis les années 1980, Gilles Aillaud a réalisé d'importants décors pour le théâtre, notamment à la Schaubühne de Berlin avec Klaus Michael Grüber.
Une exposition rétrospective a été consacrée à l'artiste en 2015, présentée au Musée des Beaux-Arts de Rennes, au Musée Estrine à Saint-Rémy-de-Provence, puis au FRAC Auvergne à Clermont-Ferrand. En 1965, il cosigne avec Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati le polyptyque Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp, qui suscitera les plus vives réactions. Dans ces huit tableaux, les peintres se sont représentés en assassins du vieux maître pour s'opposer à un art abstrait ou conceptuel apolitique.
Toutefois, il ne s'agit pas pour Gilles Aillaud de remettre en cause l'importance de Marcel Duchamp dans l'histoire de l'art, mais bien de condamner le nouveau dogmatisme défendu par les artistes de son époque ? : "? Ce n'est pas le père que nous voulons tuer, mais l'ordre que représente le père et par rapport auquel nous cherchions à nous démarquer. C'est pourquoi nous avons dû prendre la figure de délinquants ? ".
Gilles Aillaud s'inscrit dans le mouvement de la Figuration Narrative, officialisé en 1964 lors de l'exposition Mythologies quotidiennes au musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Bien qu'elle partage avec le Pop art une imagerie empruntée à la société de consommation et à la culture de masse, elle s'en distingue par la réhabilitation de la narration (sous la forme de compositions fragmentées, d'une figuration stylisée et en aplat et de l'introduction de séquences dans l'image) et par l'engagement politique dont font souvent preuve les artistes de ce courant.
La Figuration Narrative cherche à maintenir continuellement en éveil notre rapport critique aux images. Les animaux en cage constituent l'essentiel de l'iconographie de l'artiste. Gilles Aillaud s'attache dans ses tableaux à "? la relation qu'ils [les animaux] entretiennent avec l'ensemble de la réalité historique dans laquelle ils apparaissent ? ". L'artiste analyse la relation des animaux à l'espace - factice, artificiel - qu'ils habitent, réfléchissant par là à une déconstruction picturale.
Les codes perceptifs d'une époque sont révélateurs de valeurs sociales, politiques et symboliques de la société dans laquelle ils ont été créés ? ; pour Gilles Aillaud, les remettre en cause c'est faire preuve d'activisme. "? Je ne peux absolument pas me servir de la perspective que donne la photographie ? ; (...) si tu photographies un coin de cet atelier et qu'ensuite tu tires un tableau de la photographie, le spectateur du tableau va se retrouver rejeté plusieurs mètres en arrière de la scène considérée, alors que dans la réalité (...) tu te trouves en son milieu ? ".
La peinture de Gilles Aillaud s'articule autour d'un système perspectiviste complexe, qui vise à immerger le spectateur dans des espaces faussement stabilisés. Elle joue de la multiplication des points de vue pour mener le spectateur à son propre regard. Fidèle à la phénoménologie de Merleau-Ponty (qui compare notamment la peinture de Cézanne à "? un ordre naissant, un objet en train d'apparaître ? "), l'artiste cherche à faire de sa peinture un visible capté et figé sur la toile, un moment où le décor figé s'anime par la découverte de la présence animale.