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Ce livre n'a pas été écrit pour évoquer les embarras qui viennent à l'homme de son langage, malentendus, stupéfactions, inhibitions, méfiances de toutes sortes. Ils ne servent qu'à introduire la préoccupation qui y est appelée métaphysique, pour qu'on la distingue des recherches sémantiques, stylistiques, ou psychologiques : qu'à force de souffrir parce qu'on n'a pas dit, ou qu'on a mal dit, ce qu'il y avait à dire, et qui reste à peser sur le coeur, on en arrive à se demander pourquoi il ne suffit pas de vivre, mais qu'il faille encore le dire, pourquoi nous ne savons pas nous entendre sans avoir besoin de parler, comme le font les abeilles ou les corbeaux. Car notre langage n'est pas qu'un code de signaux plus compliqué qu'un autre. Il est l'aventure de la pensée, des mots qui sont là depuis toujours, semble-t-il, qu'on tourne et retourne, sans voir où ils mènent. Nous ne savons pas, non plus, d'où il nous est venu. L'hypothèse actuelle de l'évolution, serpent, oiseau, singe, puis homme criant d'abord, parlant ensuite, est assez terrible, à la réflexion. Notre civilisation des livres paraît signifier que la destination de l'homme est de se transformer en des mots qu'autrui a le pouvoir de ne pas écouter. Le ressort de la philosophie classique était le langage vrai. Y en a-t-il un ? Celui de la dialectique moderne pourrait être le mensonge vraisemblable, prenant une allure de cérémonie, avec la littérature pour modèle. Il faut un soubassement à un tel édifice. C'est de cette métaphysique qu'il est question ici.
Philosophe et romancier né en Seine-et-Marne en 1897. Agrégation en 1922. Séjourne deux ans à Moscou. Rôle éditorial important aux Editions Gallimard à partir de 1927. Meurt en 1971 à Verdelot, un village de la Brie.