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Si la comparaison peinture/musique, vision/audition, est courante, en revanche il n'existe pas de réflexion théorique qui, en les comparant, fasse appel à des spécialités aussi différentes que l'esthétique philosophique, l'histoire des sciences, l'histoire de l'art, la logique, l'iconographie, la psychosociologie, la théorie musicale, la théorie littéraire. Penser la vision et l'audition, penser la peinture et la musique sont des opérations corrélées mais pas nécessairement dans le sens qu'on pourrait croire : car peinture et musique sont autant révélatrices et constitutives d'une théorie de la vision ou de l'audition que conditionnées ou constituées par elles. Ainsi la circularité entre le moment épistémologique et le moment esthétique méritait d'être examinée pour elle-même. Un tel examen supposait qu'on récuse la logique du spectaculaire figée sur la polarité entre l'agent et l'objet exhibé. Il réclamait la convocation conjointe de différentes disciplines. Des objets et des questions apparemment disparates-théories de la perception, problème de l'autoréférence picturale, iconographie, relation entre oreille et timbre, relation entre écoute musicale, surdité et désir, problème de la correspondance des arts et de leur extériorité-analysés de ce point de vue trouvent leur profonde homogénéité par l'élaboration d'une thèse qui leur sert de foyer d'intelligibilité. C'est que peinture et musique ne sont pas réductibles à des produits de la pensée ; elles sont des lieux où non seulement la pensée se révèle, mais aussi où elle se construit, parce qu'elles fonctionnent comme les opérations d'une réforme (au sens que Bachelard donnait à ce terme) qui, en déstabilisant la tranquillité du regard et de l'écoute, montre et fait résonner ce qui, invisible et inaudible, ne saute ni aux yeux ni aux oreilles, mais que cependant on aurait toujours dû voir et entendre.