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À ma première entrevue avec Suarès [...], je ne sais ce que je lui dis [...], je sais seulement qu'en deux minutes, sur le pas de la porte, par quelques traits que je lui citai, il saisit. J'en conclus qu'il avait du flair et je me liai avec lui. [...] De là cette Passion écrite par Suarès, éditée par Vollard et que j'illustrai. Très largement, comme je le fais toujours, sans trop me préoccuper du texte, sans le suivre à la lettre, mais en étendant [...] le long et très libre dialogue que j'avais engagé avec son auteur. J'aimais Suarès pour sa sensibilité artistique, pour l'universalité de sa culture, pour l'intelligence des choses dont il aurait pu être, semblait-il, le plus éloigné. Et même je le trouvais mieux fait que tel ou tel catholique notoire pour atteindre certaines grandeurs religieuses. Nous nous entendions à demi-mots ; je dirais, sans nous comparer autrement à eux, comme Barbey d'Aurevilly et Léon Bloy, par une certaine affinité d'esprit et de cœur, en des nuances d'un ordre supérieur et qui ne peuvent s'expliquer. S'il n'avait pas ma foi, je ne cherchais pas à en tirer vanité. Je pensais que nous pouvions traiter ensemble un des grands thèmes qui m'a toujours occupé, celui des souffrances et de la mort du Christ et cela sans que l'un d'entre nous eût rien à sacrifier à l'autre de ses convictions personnelles ou de l'interprétation de certaines paroles ou de certains faits rapportés par l'Évangile. J'ignorais par exemple si Suarès croyait ou non à la Résurrection de Jésus dont je n'ai jamais douté. Il n'y fait pas allusion en tout cas dans l'ouvrage tandis que je l'ai célébrée en l'une des dernières planches. (Georges Rouault 1956)