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En 2010, à Paris, un enfant afghan m'a tendu la main. Je cherchais à photographier de jeunes exilés sans-abris, qui dormaient dans un parc proche de chez moi. Ghorban fut le seul à s'avancer et m'interpeller. Il venait d'arriver en France depuis l'Afghanistan. A treize ans, seul, il avait parcouru 7000 km en clandestin. Sa détermination et son courage m'ont sidéré. J'imaginais mes enfants dans un tel périple. Quelques jours plus tard, des bénévoles ont repéré Ghorban et l'ont mis à l'abri, avant de le signaler à l'Aide sociale à l'enfance. Il a été pris en charge dans un foyer parisien. Avec la réalisatrice Claire Billet, ma femme, nous avons filmé et photographié Ghorban bâtissant sa nouvelle vie, sur une période de huit ans. Son adolescence était rythmée par un flot d'épreuves administratives, bercée par le manque affectif et des repères à inventer. Devenu notre filleul républicain, Ghorban s'est fait la promesse de retrouver un jour sa famille en Afghanistan. Nous avons fait celle de l'accompagner. "Pendant les vacances d'été 2021, Ghorban est venu passer quelques jours chez nous. Il étouffait, seul à Paris. En Afghanistan, les villes tombaient les unes après les autres aux mains des taliban. La capitale afghane, Kaboul, était encerclée. Le 15 août, nous avons assisté à la victoire des islamistes en direct sur les réseaux sociaux. Ghorban était rongé d'inquiétude pour sa famille, comme des millions d'Afghans. Nous craignions tous une vengeance sanglante ou une guerre civile. Ghorban appela la cellule de crise du Quai d'Orsay, saturée. Des proches, des collègues et toutes nos connaissances d'Afghanistan listaient en urgence les Afghans qui voulaient fuir. Une amie nous proposa d'ajouter des noms sur une liste. Ghorban appela Masouma, sa mère. La décision fut prise dans la seconde. Les quatre jeunes que nous avions rencontrés en 2017 quittèrent leurs parents et leur maison sur le champ. Sima, la plus jeune, avait 17 ans et Aziza, l'aînée, en avait 22. La fratrie traversa le pays en bus pour rejoindre les abords de l'aéroport de Kaboul" . "Deux mois et demi après leur arrivée en France, Sima, Aziza, Sohrab et Mehrab sont montés à Paris pour le rendez-vous à l'OFPRA, l'Office français pour les réfugiés et les apatrides. Chacun, lors d'un entretien individuel, a expliqué les circonstances de sa fuite et les raisons pour lesquelles il demandait l'asile en France" .