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Dans le merveilleux médiéval tel que le définit Jacques Le Goff, on distingue le mirabilis, merveilleux non chrétien aux sources antiques, celtiques, folkloriques..., le magicus, surnaturel diabolique, et le miraculosus, miraculeux divin. Les mirabilia peuvent cependant aussi désigner, selon les scolastiques du Moyen Age, des curiosités naturelles. Elles s'épanouissent, malgré leur origine païenne, au sein de la culture aristocratique et chrétienne dominante au Moyen Age. Ainsi, de nombreux manuscrits de la littérature profane médiévale nous rapportent les histoires de créatures étonnantes – hommes-loups, fées, chevaliers-poissons... –, de phénomènes surprenants constituant au fil du temps une matière et des codes caractéristiques du merveilleux. Comment le merveilleux peut-il alors encore, à la fin du Moyen Age, être perçu comme étrange, extraordinaire, et susciter, grâce aux textes et aux enluminures des manuscrits, l'émerveillement du lecteur ? Afin de tenter d'apporter des réponses à cette question, les auteurs du présent volume s'interrogent sur la relation entre la représentation du merveilleux et la notion de marge, entendue dans un sens littéral (marge géographique et du manuscrit) et figuré (marge ontologique, sociale), en confrontant le texte et l'image dans un corpus de manuscrits réalisés entre le XIIe et le XVe siècle. La catégorie esthétique du merveilleux, qui a déjà bénéficié d'une réflexion poétique riche, semble en effet sans cesse exiger un effort définitoire supplémentaire. La démarche résolument interdisciplinaire de ce recueil, réunissant historiens, historiens de l'art et littéraires autour d'une même problématique, permet d'en questionner des aspects encore peu explorés et d'en affiner la définition par sa confrontation avec d'autres notions. Les articles traitent aussi bien des images exprimant l'ambivalence et l'altérité des êtres merveilleux, de la porosité entre humanité et animalité, de processus nécessitant l'intervention de la merveille, comme la métamorphose, que de l'emplacement du merveilleux – rejeté dans les marges ou paradoxalement placé au milieu du feuillet – dans la mise en page des manuscrits. Ils invitent à étudier la conception et la représentation du merveilleux en repensant les relations entre centre, norme et marge.
Le RILMA est un programme d'histoire de l'art fondé sur une recherche collective, internationale et interdisciplinaire. Le noyau en est constitué par la collection des volumes du Corpus, dans laquelle sont présentés, reproduits dans leur intégralité, et commentés, les cycles d'illustrations des oeuvres de la littérature du Moyen Age, tous domaines confondus. Dans une perspective plus large, les Etudes du RILMA confrontent les enluminures à tous les autres champs de la création artistique, et examinent leur place dans l'histoire culturelle du Moyen Age. La création du RILMA a bénéficié d'un projet de recherche retenu par l'Institut Universitaire de France, dans le cadre de la chaire d'iconographie médiévale.