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L'évolution du système techno-scientifique mondial forme la base du devenir des sociétés humaines et constitue une individuation au sens défini par Simondon. Mais le devenir en quoi consiste cette individuation n'est possible qu'à la condition de se transformer en avenir par son insertion dans le processus d'une individuation psychique et collective. C'est ce que j'ai développé dans La technique et le temps. Après la publication de Aimer, s'aimer, nous aimer. Du 11 septembre au 21 avril, il m'a parfois été dit que le ton de mes ouvrages était devenu " pessimiste ", et que j'avais, en fin de compte, modifié ma compréhension de la question de la technique et de la technologie. Or, j'ai toujours écrit que le devenir du système technique nécessitait, pour devenir l'avenir de la société où il se produit, un double redoublement épokhal, c'est-à-dire une double interruption du cours ordinaire des choses : dans ce processus complexe qu'est l'individuation psycho-sociale, une mutation technique suspendant un état de fait dominant - ce qui est la première épokhè, la première suspension de l'ordre établi -, il faut que la société opère une seconde suspension pour que se constitue une époque à proprement parler, ce qui signifie : pour que s'élabore une pensée nouvelle se traduisant dans de nouveaux modes de vie, et, autrement dit, que s'affirme une volonté nouvelle d'avenir, établissant un nouvel ordre - une civilisation, une civilité réinventées. Dans le présent ouvrage, il s'agit d'examiner ce qui empêche que s'accomplisse ce double redoublement comme invention de nouveaux modes de vie. Cet empêchement induit une décadence des démocraties industrielles. L'hypothèse générale est que le modèle industriel mis en œuvre depuis le début du XXe siècle, et qui repose sur la partition production/consommation, est devenu totalement caduc, et conduit dans une impasse le capitalisme et les démocraties où il se développe. Un signe de cette impasse et de la déchéance qui s'y produit est la crétinisation des consommateurs délibérément organisée par les chaînes de télévision. Une pensée n'a de sens que si elle a la force d'ouvrir à neuf l'indétermination d'un avenir. Mais cet avenir ne peut donner de nouveaux modes de vie que si ces vies constituent de nouveaux modes d'existences : la vie humaine est une existence. Or, la situation présente est caractérisée par le fait que cela ne se produit pas, et qu'à la création nécessaire de ces nouveaux modes d'existence s'est substitué un processus adaptatif de survie d'où disparaissent les possibilités mêmes d'exister, rabattues sur de simples modalités de la subsistance - où l'on vend " du temps de cerveau humain ". C'est ce que j'ai appelé la misère symbolique, que j'analyse ici comme prolétarisation généralisée. L'homme peut sans doute subsister sans exister. Je crois cependant que cette subsistance n'est pas durable : elle devient rapidement psychiquement et socialement insupportable, parce qu'elle conduit inexorablement à la liquidation du narcissisme primordial. Et cette liquidation conduit elle-même à celle de la loi. C'est-à-dire de ce qui constitue la condition d'un démos : la différence du fait et du droit. Le modèle industriel caduc liquide ainsi le politique, et il fait de la démocratie une farce dont ne peuvent surgir que mécréante et discrédit.