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En 1910, Jean Giraudoux, vice-consul au ministère des Affaires Etrangères, collaborateur de La Nouvelle Revue Française et auteur déjà confirmé, rencontre Lilita Abreu, la jolie Cubaine dont Morand écrira que "tout le clan naissant de la N.R.F. était épris". C'est le début d'une passion, non partagée, et d'une longue et abondante correspondance dont ne subsistent que les cent soixante lettres et billets de Giraudoux entre 1910 et 1928. Ecrivant sans apprêt et sur le ton familier de la conversation, il mêle aux déclarations d'amour des souvenirs d'enfance et d'adolescence inédits, des commentaires sur le milieu littéraire d'alors, voire sur la genèse de certaines de ses oeuvres, et fournit, au fil du récit de ses années de guerre, de précieux renseignements biographiques. Il est vrai aussi que l'histoire de Simon le Pathétique a bien pour initiatrice, en 1911, cette jeune femme de qui il ne sut se faire aimer. Ces lettres, laconiques ou drôles, pudiques, souvent pathétiques, tendres ou passionnées, constituent involontairement et tout à la fois le meilleur laboratoire des romans de Giraudoux et le plus juste de son autobiographie, ou du journal qu'il s'est toujours refusé à tenir. A défaut des réponses de Lilita (dont elle exigeait de leur destinataire qu'elles fussent détruites), ses propres carnets intimes font souvent écho à la correspondance de Giraudoux. Elle fut bien cette femme hors du commun dont le destin, quelques années plus tard, devait croiser celui d'Alexis Leger jusqu'à l'accompagner dans son exil américain et lui inspirer le Poème à l'Etrangère.