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Après la période d'indépendance sous le gouvernement paoliste la Corse devient une Région française et connait les tribulations des régimes successifs qui se succèdent à la tête de la France. L'île nouvellement conquise est l'objet de la curiosité des voyageurs mais aussi intrigue les responsables politiques, les militaires et les administrateurs qui se succèdent. Les archaïsmes des savoir-faire agricoles sont souvent jugés sévèrement et dénoncés comme entravant le développement des techniques nouvelles et l'essor général de l'économie. Reconnu pour ses richesses potentielles, ses terres littorales fertiles, son climat tempéré qui autorise les projections les plus hardies, le territoire demeure peu productif, non cultivé, insalubre et ses populations souvent rétives à accepter le changement. Ainsi, les/principaux maux de l'agriculture sont pointés (absence de bras, insécurité, abondance des communaux...) parfois de façon bienveillante, parfois de manière plus martiale et les remèdes proposés et mis en oeuvre connaissent des fortunes diverses. Des emblavures aux châtaigneraies en passant par la production d'huile d'olive et de vin cette recherche réalise un tour d'horizon complet des cultures vivrières mais aussi celles destinées à la commercialisation et suit l'émergence de nouvelles plantations (pomme de terre, maïs...). Avant même le Second Empire on découvre une Corse encore profondément attachées à assurer la continuité et la cohésion de ses anciens équilibres tout en laissant apparaître des prémices de changement. Si des documents sont célèbres et constituent une mine d'information toujours indispensables comme le plan Terrier ou le questionnaire de l'An X, d'autres sont peu connus voire inédits et apportent un éclairage important pour enrichir la connaissance des communautés rurales de cette période et des rapports qu'elles entretenaient avec les autorités. En considérant les écrits de l'administration ou des maires comme de véritables témoignages de leur époque mais aussi de la pensée des auteurs et de leurs représentations, les rapports et mémoires concernant la Corse deviennent autant de textes à valeur ethnographique. Ce travail est une contribution à une histoire économique de la Corse saisie au travers des productions alimentaires émanant des communautés agro-pastorales avant leur lent déclin. Il est également une étude de la mise en place des prémices du libéralisme tant au niveau des mesures que de l'argumentaire déployé face aux dispositifs traditionnels et usages qui cherchent à assurer leur continuité. Il vise également à discerner les forces en présence et les rapports qui sous tendent en interne les fonctionnements sociaux soumis à l'accélération des transformations économiques.
Philippe Pesteil est anthropologue à l'Université de Corse Pasquale Paoli, membre de l'UMR 6240 LISA et chercheur associé à l'EA 6294, Equipe alimentation (LEA) de l'Université François Rabelais de Tours.