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Selon les époques et les doctrines, les passions peuvent être envisagées comme vices, péchés, effets de l'imagination ou moteurs nécessaires à l'action humaine... Mais, sous tous ces aspects, elles constituent d'extraordinaires connecteurs de l'histoire des idées, mettant en relations la philosophie et les arts, la médecine et la politique, la théologie et la littérature. Autant de domaines où la modernité recueille un héritage complexe de thèmes, de discussions et d'images, venus de l'Antiquité comme du Moyen Age. Le présent volume aborde cette modernité pour elle-même. Il s'agit d'abord de considérer le tournant du XVIe siècle, à travers les figures de Vivès et de Machiavel. Chez Vivès, la tradition du De Anima s'incurve pour donner naissance à la première théorie moderne des passions ; chez Machiavel, elles sont articulées aux lois et aux mœurs pour rendre raison du fonctionnement de la Cité et de ses conflits. Désormais, et pour longtemps, la politique se déchiffrera dans leur langage. Au XVIIe siècle, les grandes doctrines philosophiques se doivent d'en rendre compte, c'est-à-dire à la fois de les décrire et de les expliquer ; on le voit notamment par les exemples de Descartes, Pascal, Spinoza, Locke et Leibniz. La philosophie n'est plus face à de simples perturbations de l'âme, mais à des puissances liées à l'imagination et au corps, au langage et aux humeurs de la foule, dans un monde physique en principe réductible à des lois mathématisables, mais émergeant aussi des observations des historiens ou des satiristes. Les passions servent aussi à expliquer l'utilité de la tragédie, les mobiles des héros et les règles de la vraisemblance. Enfin, l'époque des Lumières amorce un nouveau tournant, qui marque un nouveau rapport des passions à la Raison, mais qui est loin de pouvoir s'exprimer en une formule simple : en témoignent l'enchevêtrement des thèmes religieux, moraux et passionnels chez Rousseau, comme la difficulté de Diderot à formuler sa propre théorie des affects, pourtant centrale dans sa réflexion.