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Pourquoi considérons-nous la guerre d'Ukraine et la guerre de Gaza comme des guerres de la crise de l'ordre ? La différence réside dans la nouvelle phase stratégique qui s'est ouverte avec le nouveau siècle et dans l'état de l'équilibre mondial des puissances, transformé et ébranlé par le développement inégal. Pékin est aujourd'hui un rival réel de Washington, capable de revendiquer la révision du vieil ordre et d'institutions dont l'architecture remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est la crise de l'ordre, précisément. Sur cette base, en évaluant les plans de réarmement chinois à l'horizon 2035 et en examinant les prévisions des centres stratégiques de la classe dominante eux-mêmes, nous avons émis l'hypothèse de deux évolutions possibles : soit une série de conflits partiels, qui s'enchaîneraient en marquant des années de "tensions inédites", soit la déflagration d'une guerre majeure entre grandes puissances. La première partie de notre hypothèse stratégique est confirmée : les guerres de la crise de l'ordre sont en cours. Si cela n'exclut en rien la seconde évolution pour l'avenir, la rupture de l'ordre débouchant sur une grande guerre, il s'agit aujourd'hui d'évaluer avec attention et précision scientifique les nouvelles idéologies de la guerre qui sont en train de prendre de l'ampleur, en découvrant leurs objectifs politiques et leurs buts stratégiques. Aux Etats-Unis, premièrement, le retour à l'idéologie de "la guerre imminente" motive les lignes antichinoises qui exploitent les points névralgiques de Taïwan et de la mer de Chine méridionale contre Pékin. En second lieu, cette idéologie a pour but de conditionner l'Europe, tétanisée par la guerre par procuration contre la Russie, mais que l'on voudrait aussi entraîner dans la confrontation "bloc contre bloc" contre un axe russo-chinois. En Europe, on pense parer le coup en manoeuvrant parmi les vents de la guerre pour obtenir une certaine mesure d'autonomie stratégique au sein de l'alliance transatlantique, maintenant que le lien avec les Etats-Unis est moins certain. En réarmant l'Ukraine, dit-on, l'Union peut se réarmer elle-même. En Chine, tout en poursuivant la construction d'une force militaire d'envergure mondiale, la menace de "la guerre imminente" est brandie à l'envers : c'est pour l'empêcher, dit-on, que Pékin se fait le champion d'un "nouveau multilatéralisme", d'un "nouvel ordre" réformé incluant les nouvelles puissances émergentes du "Sud global", face à l'incapacité des Etats-Unis à maintenir et à adapter le vieil ordre. Le réarmement est donc l'élément commun. Ce qui est avant tout certain, dans les idéologies du "retour de la guerre" et dans le fait de reconnaître la possibilité d'une nouvelle "guerre entre grandes puissances", c'est le début d'un nouveau cycle de dépenses militaires et l'intention d'orienter le cycle politique, les priorités budgétaires et les mythologies pour les masses en fonction des nouvelles caractéristiques de la confrontation mondiale. Ce n'est pas encore l'aboutissement de la rupture de l'ordre. Mais c'est le coup d'envoi de sa crise.