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Pourquoi s'exile-t-on ? Pour échapper à l'injustice, reconquérir une liberté menacée, fuir les violences, les persécutions, la mort, la misère ou s'arracher à la résignation. On part quand rien ne fait plus écran au risque d'anéantissement, que l'espérance devient lettre morte, alors même que la vie n'a pas été accomplie. Les épreuves qui conduisent aujourd'hui à l'exil ont leurs origines dans les déchirures du nouvel ordre mondial : la guerre économique sans merci des états de la planète ; l'incapacité à maîtriser la réalité du marché financier ; le chômage de masse ; l'exclusion des citoyens sans abri de toute participation à la vie démocratique des états ; l'aggravation de la dette qui affame et réduit au désespoir une grande part de l'humanité ; les guerres interethniques qui se multiplient, guidées par le fanatisme et les fantasmes de la communauté absolue ; les effets destructeurs des dictatures ; les pathologies de l'identité collective fondées sur l'idéalisation de la haine ; la violence naturalisée réduite à une simple gestion ; la cruauté ; le nettoyage ethnique, etc. Pour ces raisons, il est temps de faire de l'exil une catégorie politique de portée universelle et signifiante pour la modernité. Prendre en compte cette exigence permet de repenser les termes de la politique afin de sortir de la passion identitaire et de poser la seule question qui vaille : est-ce qu'on peut faire quelque chose et sous quelle forme ou est-ce qu'on ne peut rien ? L'objectif est d'esquisser une éthicosmopolitique qui se présente comme une politique de la condition humaine, un pari sur la capacité de chacun de répondre sans exception à la vulnérabilité d'autrui, un tout-autre-être-au-monde, une forme de vie qui nous lie les uns aux autres. L'enjeu est considérable. Penser politiquement l'exil, c'est chercher à comprendre ce que veut dire être-ensemble, être au monde, être sujet ; c'est ouvrir le monde à la totalité des possibilités qu'il contient.