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Ecoutez Diderot justifier la vivisection des condamnés à mort, devenus inhumains par leur déchéance civique. Ecoutez Pasteur demander à l'empereur du Brésil des corps de détenus pour expérimenter de dangereux remèdes. Ecoutez Koch préconiser l'internement des indigènes auxquels il administrait des injections d'arsenic. "On expérimente les remèdes sur des personnes de peu d'importance", disait Furetière en 1690 dans son Dictionnaire universel. Ce sont les paralytiques, les orphelins, les bagnards, les prostituées, les esclaves, les colonisés, les fous, les détenus, les internés, les condamnés à mort, les "corps vils", qui ont historiquement servi de matériau expérimental à la science médicale moderne. Ce livre raconte cette histoire occultée par les historiens des sciences. Qui supporte en premier lieu les périls de l'innovation ? Qui en récolte les bénéfices ? A partir de cette question centrale de l'allocation sociale des risques, l'auteur interroge le lien étroit qui s'est établi, dans une logique de sacrifice des plus vulnérables, entre la pratique scientifique moderne, le racisme, le mépris de classe et la dévalorisation de vies qui ne vaudraient pas la peine d'être vécues. Comment, en même temps que se formait la rationalité scientifique, a pu se développer ce qu'il faut bien appeler des "rationalités abominables", chargées de justifier l'injustifiable ? Cette étude historique des technologies d'avilissement appelle ainsi à la constitution d'une philosophie politique de la pratique scientifique.