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Nous n'en avons pas fini avec la République de Weimar, aussi flamboyante et baroque sur le plan culturel qu'elle fut désastreuse sur le plan politique. D'un côté la peinture expressionniste, Rilke et Thomas Mann, Bertolt Brecht, la musique atonale, Nosferatu et L'Ange bleu, le Bauhaus et l'invention du design ; de l'autre, la violence quotidienne, les assassinats politiques, la déroute du mark, l'irrésistible montée de la haine. Mais peut-on continuer de séparer culture et politique ? Jamais leur dépendance ne fut si forte que durant ces années où l'Allemagne chercha la voie de la démocratie et découvrit le chemin du nazisme. Ce que montre Peter Gay, dans cet essai brillant et incisif, c'est la façon dont l'élite cultivée de Weimar collabora sans le vouloir, ni toujours le savoir, à l'effondrement final en janvier 1933. Cette République n'eut pas d'opposition plus acharnée ni de critiques plus acérées que de ceux qui auraient dû en être les défenseurs. "Non contents d'inviter le cheval de Troie à entrer dans la cité, les hommes de Weimar assistèrent à sa construction et prirent soin d'assurer un asile à ses architectes". Avec une force sans égal, c'est la question de la responsabilité des intellectuels qui est posée là, devant le tribunal de l'Histoire.