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Dans la lignée de Rousseau, Herder et Nietzsche, le philosophe allemand Helmuth Plessner (1892-1985)peut-être considéré, avec Max Scheler, comme le fondateur de l'anthropologie philosophique, qui se distingue d'autres courants de la philosophie moderne par une prise en considération systématique de la condition corporelle de l'homme. C'est dans le rire et le pleurer - et non pas uniquement dans le rire comme chez Bergson - que se manifeste le plus clairement le fait que l'homme n'a pas seulement un corps, mais qu'il est aussi un corps. Dans l'une et l'autre forme d'expression à base corporelle, l'homme est poussé vers une situation limite, où il " éclate "de rire, où il " fond " en larmes. Le corps répond alors à la place de l'âme et s'affirme dans cette substitution comme partie intégrante de la condition humaine. Aussi le comique, qui chez Bergson est intimement lié au rire, n'est-il pas privilégié chez Plessner au point de pouvoir expliquer à lui seul le phénomène du rire, étant donné que celui-ci peut également être provoqué par le chatouillement. De même, le pleurer peut sans doute avoir son " prétexte " dans une tristesse envahissant l'âme entière, mais une douleur, grande ou petite, qui n'affecte que le corps est capable de produire le même effet. Aussi l'homo ridens et l'homo lacrimans, très proches l'un de l'autre, sont-ils peut-être mieux placés que l'homo faber et l'homo loquens pour nous renseigner sur la vraie nature de l'homme et sur la position précaire qu'il occupe dans l'univers.