Depuis son arrestation, en 1937, et malgré sa réhabilitation posthume en 1956, Sergueï Klytchkov n'est plus guère mentionné comme " poète paysan... > Lire la suite
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Depuis son arrestation, en 1937, et malgré sa réhabilitation posthume en 1956, Sergueï Klytchkov n'est plus guère mentionné comme " poète paysan ", compagnon d'Essénine. Or, c'est un merveilleux conteur que l'on va découvrir avec ces extraits du Livre de la Vie et de la Mort, une triple trilogie dont seuls trois maillons parurent entre 1925 et 1928 et qui n'ont jamais été réédités depuis 1934. La critique soviétique salua en Klytchkov un maître du récit oral et du fantastique : sa langue ouvragée et malicieuse, drageonnant en arabesques poétiques et en métaphores où la nature se marie à l'homme et le rêve à la réalité, fut d'emblée comparée à celle de Gogol. Et il est vrai que le réalisme fantastique de Klytchkov, surtout dans Le Prince du Monde, atteint aux sommets de l'art. Mais les récits initiatiques ou mythiques de Klytchkov, où des âmes simples poursuivent l'ancestrale quête de la justice, de la vérité et de l'amour envers toute la création, où un lutin des bois enseigne la réconciliation de la chair et de l'esprit, où le diable se substitue aux hommes... étaient trop insolites pour que l'incrédulité et l'intolérance ne fissent taire une voix si originale. Klytchkov savait du reste que " l'art est une chose terrible " et non un jeu... Aujourd'hui, ce conteur de l'essentiel, même lorsqu'il décrit comme nul ne l'avait fait le servage ou la guerre de 1914, est plus que jamais un conteur pour notre temps, en déchiffrant les signes du Livre du Monde et en dénonçant la dénaturation de la conscience humaine et la ruine de la nature. Avec cette traduction, complétée par une introduction qui apporte nombre de documents précieux sur Klytchkov et son époque (" Le conteur et la marâtre "), et suivie de notices sur chaque récit, la littérature soviétique s'enrichit d'un grand écrivain. Il reste à souhaiter que les trésors artistiques et spirituels de Klytchkov soient enfin rendus également au lecteur russe.