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Après l'âge d'or de l'Antiquité, où il constitua un enjeu
éminemment politique et philosophique, le motif de l'amitié a
perdu de son éclat. Au lendemain de la Deuxième Guerre
mondiale, des philosophes s'en emparent à nouveau et le
replacent au coeur de l'activité de pensée. Maurice Blanchot le
premier, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Michel Foucault,
Roland Barthes ensuite; ensemble, ils ont contribué à rendre à
l'amitié sa dignité philosophique en faisant de celle-ci non plus
une catégorie affective mais conceptuelle, sinon
impersonnelle. L'amitié telle que ceux-ci la conçoivent, la
représentent et la vivent s'affirme sous le signe d'un refus
absolu. Refus d'une identification aux dogmes, aux lois, aux
normes, aux présupposés, à la nécessité, et jusqu'à la volonté.
Comme si l'amitié n'avait plus aucun contenu positif qu'elle ne
coïncidait jamais avec elle-même, qu'elle ne se définissait que
contre, dans le rejet de la transcendance, du visage même.
Figure de l'Intraitable, le nom d'amitié incarne pour cette
génération le pur espace d'affirmation d'une pensée révoltée.
Olivier Jacquemond, enseignant-chercheur à l'ESCE, est
l'auteur de romans (New York Fantasy, Mercure de France,
2009; Le Choeur des Tristes, Mercure de France, 2011) et d'un
essai (Les 3 secrets, Sens&Tonka, 2008).