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Le grand vivier - Journal, récolte 2020-2021 (Broché)

  • Unes (éditions)

  • Paru le : 21/04/2023
La multitude invisible sépare les êtres, restitue chacun à sa réclusion. Jean-Louis Giovannoni travaille depuis toujours sur cette notion de séparation... > Lire la suite
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La multitude invisible sépare les êtres, restitue chacun à sa réclusion. Jean-Louis Giovannoni travaille depuis toujours sur cette notion de séparation et de réclusion, qui trouve dans ce journal, débuté au printemps 2020, un ancrage dans le réel. Comme si la réalité soudaine à laquelle le monde se trouvait confronté s'ajustait au monde littéraire de Giovannoni. Un journal, mais un journal fragmentaire, morcelé, d'abord tenu au cours des longues journées de confinement, puis continué pendant plus d'un an.
Giovannoni depuis toujours essaie l'espace comme on essaie un vêtement. Est-il à la bonne mesure ? Est-on trop serré dedans ? Quelle est notre aisance, notre liberté de mouvement ? Il touche les murs, le plafond, arpente les couloirs en boucle, sort sur son balcon. Petit à petit naît le besoin de repousser l'espace, d'agrandir les murs, il regarde les photographies qui deviennent plus grandes que la réalité, les meubles immobiles, les fantômes qui peuplent les appartements : la vie se renverse, "je ne fais que déplacer de l'immobile en moi" dit-il.
Il se met à parler aux objets devenus les seuls compagnons. Il parle même aux pierres, les écoute respirer. Il parle à ses vêtements, il s'installe dans sa penderie. Il parle aux portes qu'il n'ose pas toucher. Bruit de fond de la télévision, ou de pas dans l'immeuble, murmures, légers mouvements de rideaux : chaque son semble s'amplifier à l'oreille alerte, attentive, en attente. A l'écoute des voix du monde qui donnent des nouvelles du large et de la mer qui se déplace dans l'imagination.
Il reste de longs moments devant le paysage statique de la rue, à attendre "la compagnie des oiseaux" . Il regarde ce qui change, ce qui se déplace, ce qui disparaît. Il compte les morts. Jour après jour, la ville s'efface à force de ne plus être visible, rue après rue, quartier après quartier. Tout disparaît dans notre dos. Le Grand vivier est le livre de l'air qui circule entre les hommes et les choses arrêtées, et Giovannoni dépeint une humanité prise dans la résine comme les insectes, alors que partout le printemps pousse sa germination.
"Peut-être y a-t-il dans l'air des frontières à ne pas dépasser" , dans cette vie entourée de monstres invisibles qui nous dévorent et de fantômes qui nous habitent, brutalement confrontés à notre intériorité, à la porosité de notre corps aux infections, aux maladies qui pullulent et prolifèrent en nous : humanité consommable abandonnée à la voracité de l'invisible. Et quand à nouveau sortir devient possible, que l'on redécouvre la rue, que l'on repousse la limite des quartiers, que l'on retrouve la parole, on retrouve aussi un monde qui s'était habitué à notre absence.
Qu'est-ce qui circule dans un monde débarrassé des hommes ? L'air, l'espace laissé vacant, mais l'espace sans hommes n'est pas vide pour autant. Dans l'intervalle on a diminué, on a perdu de soi, on ne sait pas bien quoi. On a beau retrouver l'extérieur, "si on sort, on ne sort pas de soi" . La pandémie est un monde giovannonesque, qui révèle et rassemble toutes les obsessions que l'auteur creuse depuis Les mots sont des vêtements endormis (1983) jusqu'à Sous le seuil (2016) - le rapport à l'espace, le virus incontrôlable des mots, les germinations, les vies exogènes qui grouillent en soi, l'impossibilité de sortir de ses pas.
Le Grand vivier est un livre qui se referme comme un requiem, dans un éternel adieu aux morts qu'on ne finit jamais de quitter : "le monde est vide" sans les fantômes.

Fiche technique

  • Date de parution : 21/04/2023
  • Editeur : Unes (éditions)
  • ISBN : 978-2-87704-260-4
  • EAN : 9782877042604
  • Format : Album
  • Présentation : Broché
  • Nb. de pages : 192 pages
  • Poids : 0.344 Kg
  • Dimensions : 15,1 cm × 21,0 cm × 2,1 cm

À propos de l'auteur

Biographie de Jean-Louis Giovannoni

Jean-Louis Giovannoni est né à Paris en 1950. Il a exercé le métier d'assistant social pendant plus de trente-cinq ans en hôpital psychiatrique. Il ouvre son oeuvre poétique avec Garder le mort en 1975, livre de deuil qui deviendra un classique de la poésie contemporaine. Auteur d'une trentaine d'ouvrages chez divers éditeurs (Unes, Leo Scheer, Lettres Vives, Champ Vallon...), il compose une poésie de fragments interrogeant le malaise d'un rapport intime et extérieur au monde (Les Mots sont des vêtements endormis, Ce lieu que les pierres regardent, L'air cicatrise vite).
Ce rapport à l'espace s'incarne jusqu'à une forme d'abstraction aérienne à la fin des années 80 (L'Invention de l'espace, L'Immobile est un geste, Pas japonais) avant de faire place à de nouvelles formes, entre prose et poème. Depuis les années 90, ses thèmes interrogent notamment la violence des rapports sociaux (L'Election, Journal d'un veau, Sous le seuil, L'échangeur souterrain de la Gare Saint-Lazare), mêlant fantasmagorie et biographie, grotesque et pulsion, dans une figuration du monde ou le fourmillement de l'invisible se mêle à l'instabilité du corps personnel et collectif.
Il s'occupe par ailleurs de la publication des textes inédits de Raphaële George. Lauréat du prix Georges-Perros en 2010, il a été président de la Maison des écrivains et de la littérature.

Le grand vivier - Journal, récolte 2020-2021 est également présent dans les rayons

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Le grand vivier. Journal, récolte 2020-2021
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