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Qui gouverna la France entre 1830 et 1840 ? On demanderait plus justement ce qui gouverna ce pays dans cette période, une idée, un principe, ou plutôt une absence d'idées et de principes. Peut-on gouverner sans idées et ans principes ? On voit que la question est d'autant plus sérieuse que la société - ce qui en tient lieu, est saisie d'un mouvement d'agitation frénétique, qui vise à la richesse, mais une agitation immobile, qui force à un maintien de l'ordre permanent. 1830 : un roi citoyen prend la place d'un roi restauré ; des hommes puissants, des hommes riches, des parvenus donnent le trône à ce citoyen, sans qu'ils aient eux-mêmes détrôné l'autre. Une révolte sur commande a mis en action les combattants de juillet, ouvriers pour la troupe, étudiants comme officiers, républicains à la tête de l'armée insurgée. 1840 : dix années de répressions, de condamnations, de massacres ; dix années de ministères vacants, de jeux de société entre ceux qui comptent. La république est interdite par la loi, le régime parlementaire s'installe et invente les règles : majorité et minorité, parti de gouvernement et parti d'opposition, investiture par l'Assemblée selon les vœux du citoyen en chef - qui ne gouverne pas, et querelles animées par les prétendants, qui se cèdent la place quand ils ne se l'offrent pas : M. Guizot et M. Thiers. Après le gouvernement autoritaire de Casimir Périer, voilà le gouvernement consensuel qui arrange tous ceux qui y prennent part et qui fait la police aussi bien, car le canon et la fusillade se passent même d'autorité, tant qu'on les commande. 1830-1840 ou comment on apprend la leçon au peuple souverain : à une société irreprésentable, où l'on distingue le pays légal du pays réel, la classe politique oppose son droit à gouverner dans l'incompétence, pourvu qu'elle serve les intérêts qui comptent. Ceux qui n'ont pas d'intérêts, de quelle utilité leur serait une souveraineté de principe. Voilà : à gouverner sans principes ni idées, on disqualifie tout principe et toute idée. Philippe Riviale recherche ici les prémisses de 1848, la question reste celle de L'Enigme du dix-neuvième siècle : comment en sommes-nous arrivés à croire que tout cela devait arriver?