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Depuis plusieurs décennies, le droit relatif aux étrangers a connu une inflation sans précédent, dans un sens toujours plus restrictif pour les immigrés désireux de vivre légalement en France. Mais si cette multiplication des textes juridiques constitue indubitablement une contrainte, elle peut être également perçue comme une ressource pour les intéressés et les associations les défendant. Elaborant de véritables stratégies juridiques, celles-ci se réapproprient le droit qui constitue désormais un moyen d'action au service de la cause des étrangers. Telle est la perspective dans laquelle s'inscrit la CIMADE. Pourtant, rien ne l'y prédisposait : née durant la Seconde Guerre Mondiale, cette association issue de différentes organisations protestantes s'illustra par l'assistance qu'elle offrit aux personnes internées dans les camps créés par le gouvernement de Vichy dans la zone Sud. C'est durant cette période que s'est forgée son identité, oscillant aujourd'hui encore entre opposition et coopération avec l'État. S'inscrivant ainsi dans le mouvement de juridicisation de la société, ce n'est qu'au terme d'un lent processus que la CIMADE s'est investie sur le terrain juridique. Mais ce mouvement n'est pas sans susciter la méfiance d'un certain nombre de militants : tout d'abord, sa cohérence avec l'identité de l'association est mise en doute ; surtout, son efficacité au service de la défense des étrangers est critiquée, ce qui démontre d'une manière générale les ambiguïtés des utilisations militantes de l'outil juridique.
Jérôme Drahy est doctorant allocataire au CERSA (Université Panthéon-Assas). Il effectue ses recherches sur " le rôle des associations dans l'application du droit ", sous la direction de M. le Pr. J. Chevallier.