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Paru en février 1928, La Tour est probablement le plus célèbre des recueils de W. B. Yeats. Il doit son titre à Thoor Ballylee, le cottage acquis par Yeats en 1917, dont la tour devient ici le symbole d'un esprit qui monte la garde en temps de ténèbres. Tous les grands thèmes de l'œuvre de Yeats trouvent ici leur expression la plus accomplie au service d'une conscience aiguë de la nécessité de redéfinir la mission de la poésie dans le monde moderne. Pour Yeats, il n'est pas d'autre fondement possible à la dignité humaine que la prise en compte du destin de l'âme ; le matérialisme, le rationalisme étroit en germe dans la pensée anglaise depuis le XVIIIe siècle, lui paraissent la source de tous les maux. La poésie et l'art sont seuls à pouvoir rappeler la primauté de la vocation spirituelle de l'homme. Alors que l'histoire se fait toujours plus sombre et que s'annonce la fin d'un monde, Yeats trouve dans le pouvoir des images une lueur qui le guide dans les ténèbres. Il s'invente une tradition secrète. Byzance lui apparaît à l'horizon de l'histoire comme un de ces moments où s'est réalisé l'équilibre refusé à l'homme moderne, tout comme l'Athènes du siècle de Périclès ou l'Italie de la Renaissance. Mais en même temps que se multiplient les appels à la fuite vers un passé meilleur, La Tour est un livre traversé du rappel insistant que l'éphémère est la loi. La force de la poésie de Yeats est de convertir en vision l'amertume du poète vieillissant face aux tragédies qui accablent l'Irlande, et de faire de sa colère une source de grandeur.