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Nous vivons aujourd'hui un paradoxe. Jamais nous n'avons eu autant de moyens de soulager la souffrance. Jamais nous ne nous sommes penchés sur elle avec autant d'attention - à commencer par la médecine : un diplôme universitaire spécialisé de médecine de la douleur a été créé voilà quelques années, des services de soins palliatifs se sont ouverts, ainsi que des centres antidouleurs.
Pourtant, face à la souffrance, nous sommes démunis. Sans aucun doute l'habitude prise de vivre dans un monde où règne un certain confort nous a-t-elle rendus plus vulnérables à la souffrance morale, physique. Mais plus encore, nous subissons le contrecoup de notre quête du bonheur, héritée des Lumières : tout à cette recherche, nous n'avons plus rien à dire sur elle. D'où, chez les philosophes et dans les Eglises, le silence et, pour celui qui souffre, une grande solitude.
Hier, sous prétexte de sauver le sens de la vie, on a rationalisé la souffrance, on l'a justifiée. Aujourd'hui, sous prétexte de ne pas cautionner ce qui fait souffrir, on récuse tout sens à l'existence. Entre le mensonge qui consiste à justifier la souffrance au nom de la sauvegarde du sens et le désespoir qui consiste à taxer la vie d'absurde par égard pour les victimes de la souffrance, n'y a-t-il pas d'autre issue ? Le temps des rationalisations opérées par la bonne conscience est révolu. Comme est révolu le temps du désespoir et de la révolte. L'âge d'un troisième sens de la souffrance, au-delà du sens comme du non-sens, est venu. Il importe de rappeler que ce n'est pas la souffrance qui donne du sens à la vie, mais la vie qui donne du sens à la vie et éventuellement à la souffrance. Ce n'est pas parce qu'il y a de la souffrance que la vie n'a pas de sens, c'est parce que la souffrance existe que la vie doit avoir d'autant plus de sens.
Bertrand VERGELY
Professeur de philosophie, intervient en milieu médical pour aider médecins et infirmiers des centres de soins palliatifs à se préparer aux épreuves que constituent la souffrance et la mort.