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La Russie et l'Église universelle que l'on réédite aujourd'hui est aussi célèbre que mal connu et rarement lu. Cet ouvrage fait partie d'une œuvre beaucoup plus vaste que Soloviev n'a pas achevée et on en retient ici seulement une introduction et les deux premières parties qui traitent de la papauté.
Celui qu'on a appelé l'Origène russe avait du génie. Chevalier intrépide des grandes causes, il défendit les Polonais asservis, les Vieux Croyants persécutés, les Uniates exterminés et dénonça l'injustice du statut des juifs dans l'empire tsariste. Ses tentatives de rapprochement œcuménique qui ont échoué de son vivant, prennent aujourd'hui une dimension prophétique. La mission à laquelle Soloviev se sentait appelé peut se ramener à deux idéaux : l'unité et l'universalité. Il combattit la division des chrétiens au nom de l'unité, et le nationalisme russe au nom de l'universalité. Dans son ouvrage sur la papauté, la critique des Grecs et des Russes est sévère, tandis qu'il défend avec force la position romaine. Il n'en restait pas moins irréductiblement fidèle à la tradition byzantine, mais voulait aussi pouvoir se réclamer de Rome. Il aimait sa patrie, la Russie, mais dénonçait l'asservissement de l'Eglise à l'Etat. La question romaine qu'il traite avec tant de force est d'actualité car les relations ecclésiales entre Rome et Moscou restent un thème essentiel dans le dialogue œcuménique contemporain. On sait, en effet, que la difficulté principale est la nature de l'autorité de Pierre et de ses successeurs. Aujourd'hui, l'Eglise orthodoxe russe n'est plus soumise ni persécutée par un pouvoir politique, et les rapports personnels entre catholiques et orthodoxes se sont beaucoup améliorés, mais les obstacles à l'unité voulue par le Christ sont encore considérables. Ils sont moins dogmatiques que politiques et culturels. Les arguments de Soloviev sont tirés de l'Evangile, mais il décrit aussi l'histoire des conflits et des incompatibilités qui se sont développées au cours des siècles. C'est une brillante apologétique écrite par un orthodoxe et probablement la meilleure d'un siècle au cours duquel l'infaillibilité du successeur de Pierre est devenue un dogme de l'Église catholique.