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La pureté de sang, la stratification raciale de la société espagnole à l'Epoque moderne, tel un thème lancinant, affleure comme le nécessaire substrat dont l'ignorance condamnerait à n'appréhender qu'imparfaitement l'idéologie de la Monarchie catholique. Si l'on a pu croire que l'exaltation d'un sang "pur de toute macule de sang juif ou maure" (selon l'expression consacrée au XVIe siècle) avait comme but originel celui de mieux appréhender le peuple de Dieu en séparant les vieux-chrétiens des nouveaux-chrétiens, la revendication très vite se double d'un ostracisme racial virulent. Loin d'être cautionnée par les cercles religieux - qui dénoncent la division schismatique d'un peuple uni par le baptême -, la pureté de sang s'impose comme le prérequis nécessaire à toute promotion sociale. Dès lors, elle favorise le mythe d'une nouvelle hiérarchie sociale concurrente de la hiérarchie nobiliaire en entérinant l'idée que le roturier, vil par naissance, peut être dépositaire d'un honneur sans égal : celui que confère un sang épuré, seul générateur de dignité publique. Tandis que la névrose pour le sang alimente, dans les autres pays européens des débats féconds sur la "race noble", "la pureté du sang [royal]", elle s'incarne, en Espagne, dans des statuts de "pureté de sang" excluant des charges d'honneur - en théorie du moins - les chrétiens issus des nombreuses conversions de juifs et de maures. Des conceptions politiques qui induisent le mythe d'une Espagne championne de la cause catholique à celles, biologiques, récusant les nourrices conversas par crainte de la contamination qui pourrait s'ensuivre, ce sont toutes les strates de la société espagnole qui se trouvent ébranlées parce préjugé du sang. La pureté de sang fut autant une affaire de raison politique que de pouvoir au coeur de la cité, affectant les collèges, les corporations, les ordres et les consciences ; elle fut aussi une affaire de réputation et de scandale, l'affaire d'un mythe supportant la construction d'une "Républica de hombres encantados".