La Permanence du passé - Questions d'histoire de la sociologie et d'épistémologie sociologique (Broché)

Transfuge par nature, hors-la-loi par vocation, campant à la croisée des savoirs pour mieux éprouver leur consistance, vivant lui-même d'une inquiétude féconde, le sociologue, cet éternel chercheur in partibus scientiarum, s'affirme de plus en plus comme celui par qui les scientifiques peuvent "raison garder". S'il est vrai que l'établissement d'un dénominateur commun aux sciences particulières constitue une tâche essentielle, s'il est vrai aussi que la quête incessante (parce que toujours menacée) du lieu de la compréhension représente un souci primordial, on oublie parfois que cette activité multiple, nécessaire et harassante ne peut s'exercer que si elle se fonde sur une autre préoccupation désigner, pour ensuite le défendre, ce qui, de l'humain, ne tombe sous le coup d'aucune loi, n'est soumis à aucune juridiction (trop rapidement figée), ce qui échappe à tout savoir constitué, à toute mise en forme traditionnelle.
Telle est la vertu du sociologue, son avoir et son devoir. Du respect de ces exigences, naît sa justification. Le livre que voici répond de façon exemplaire à ces diverses attentes. L'horizon est large de l'examen de la formation sociale et des modes de production à la critique du concept de communauté, de l'analyse des mythes typiques de la sociologie à l'étude attentive des fondements de l'épistemologie génétique (véritable fil conducteur de l'ouvrage), la vision de l'histoire est ici généreuse.
La mémoire du passé s'y marie heureusement au savoir contemporain. Que l'auteur s'engage dans une discussion serrée des thèses fondamentales de Marx ou de leur révision par Vilfredo Pareto qu'il rende un hommage vibrant quelque maître disparu (Croce, Aron), toujours se reconnais une même capacité, celle qui permet, tout à la fois, de saisir une pensée, un noeud de concepts dans leurs moindres nuances et de conserver un sens critique aigu.
Grand connaisseur des idéologies, mais méfiant à leur endroit, peu enclin aux débats théoriques en vase clos, Giovanni Busino privilégie volontiers les mouvements culturels qui débouchent sur la réalité concrète, les personnalités dont la pensée toujours revient vers l'homme. En vingt-trois chapitres, se trouve condensé un savoir étonnant nous pouvons y admirer une lucidité rare, mais aussi (surtout petitesse) y faire la rencontre d'une chaleur humaine que les livres n'offrent que rarement.