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Depuis toujours, l'interrogation portant sur les limites de l'action individuelle ou collective, les normes de conduite à instaurer, les règles du vivre-ensemble à élaborer, hante la philosophie. Prescription et normativité, obligation et liberté, raison et loi, forment les corollaires essentiels de
la morale. Il ne s'agit pas seulement de décrire comment les hommes agissent, mais d'établir comment ils doivent ou devraient agir. Se pose alors la question des critères, des valeurs, des raisons déterminantes et, pour ne pas tomber dans un relativisme voué à la particularité sans fin, il importe de distinguer la morale des morales, au sens seulement sociologique du terme. Certes, la morale concerne les mœurs. Son étymologie l'atteste. Mais elle déborde aussi ce cadre et manifeste une quête d'universalité dépassant les singularités des us et coutumes propres aux uns ou aux autres. L'essence de la morale intéresse la philosophie, aujourd'hui
comme hier, dans son dessein de transcender la clôture des particularismes pour mettre au jour ce qui unit les hommes plutôt que ce qui les divise ou les oppose. A cet égard, la réflexion morale ne se dissocie pas de la réflexion politique qui, elle aussi, " légifère sur ce qu'il faut faire et sur ce dont il faut s'abstenir ", comme l'établit Aristote dès le chapitre liminaire de l'Éthique à Nicomaque. Politique et morale ont en commun de rechercher " le bien proprement humain ", dans la sphère publique comme dans la sphère privée.