La Madone Des Chantiers

Lorsque la grosse Jaguar Daimler Super V8 se gara devant la palissade métallique qui s'étirait le long de cette ruelle sombre et déserte de Villeneuve-la-Garenne, Emeline sentit une chaleur presque douloureuse embraser son ventre. Elle était arrivée. Elle savait que, passé cette palissade derrière laquelle une forêt de grues emmêlaient leurs bras squelettiques, se trouvait précisément ce qu'elle était venue chercher. Et quand, trente secondes plus tard, elle, la grande bourgeoise, habituée au luxe et au raffinement, elle fit un premier pas dans la boue du chantier, elle sentit s'envoler ses dernières appréhensions pour laisser place à quelque chose de bien plus impérieux : une exigence primordiale, à l'état brute. Celle de l'animal femelle qu'elle était redevenue en un éclair. Le besoin immémorial, archaïque, d'être couverte, possédée, assouvie. Le désir du mâle. Pas de petits jeunes gens propres sur eux, bien élevés, cultivés et maniérés comme ceux qu'elle fréquentait à la longueur de temps. Non, des hommes. Des vrais.