Elle a trente ans, elle est professeur, mariée à un "cadre" , mère de deux enfants. Elle habite un appartement agréable. Pourtant, c'est une femme gelée. C'est-à-dire que, comme des milliers d'autres femmes, elle a senti l'élan, la curiosité, toute une force heureuse présente en elle se figer au fil des jours entre les courses, le dîner à préparer, le bain des enfants, son travail d'enseignante. Tout ce que l'on dit être la condition "normale" d'une femme.
La narratrice retrace son enfance sans contrainte, entre un père tendre et une mère ardente, qui se partageaient le plus naturellement du monde les tâches de la maison et d'un commerce. Elle dit ses désirs, ses ambitions de petite fille, puis ses problèmes d'adolescente quand, pour être aimée, elle s'efforce de paraître comme "ils" préfèrent que soient les filles, mignonne, gentille et compréhensive.
C'est ensuite l'histoire cahoteuse du coeur et du corps, l'oscillation perpétuelle entre des rêves romanesques et la volonté de rester indépendante, la poursuite sérieuse d'études et l'obstinée recherche de l'amour. Enfin, la rencontre du frère d'élection, de celui avec qui tout est joie, connivence, et, après des hésitations, le mariage avec lui. Elle avait imaginé la vie commune comme une aventure ; la réalité, c'est la découverte des rôles inégaux que la société et l'éducation traditionnelle dévoluent à l'homme et à la femme.
Tous deux exercent un métier après des études d'un niveau égal, mais à elle, à elle seule, les soucis du ménage, des enfants, de la subsistance. Simplement parce qu'elle est femme. La voix de ce récit ne gémit pas, elle ne s'apitoie pas sur un sort auquel elle a consenti, par vanité de "tout concilier" , lâcheté ou conformisme. Elle rit, crie, ou constate calmement : "Elles ont fini sans que je m'en aperçoive, les années d'apprentissage.
Après, c'est l'habitude. Une somme de petits bruits à l'intérieur, moulin à café, casseroles ; prof discrète, femme de cadre vêtue Cacharel ou Rodier dehors. Une femme gelée".