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Une photographie, quelle qu'elle soit, est toujours contemporaine de l'objet, de l'événement, du geste ou du visage dont elle s'est saisie. En d'autres termes, on ne peut photographier que du présent qui s'en va, et se meurt. Dès lors, existe un lien avec l'histoire, étrange et provocant. Immergé dans l'image, par une sorte d'écart de la rêverie, il arrive qu'on se retrouve de l'autre côté de la photo, dans un paysage renouvelé où l'esprit s'aiguise autrement. Par exemple au XVIIIe siècle. Dans quelques photographies contemporaines (de Raymond Depardon à Dorothea Lange, en passant par Lewis Hine, Marc Riboud, Emmanuel Farge, Sophie Ristelhueber, Valérie Jouve et Izis) se reconnaissent de brefs éclats du XVIIIe siècle, encore posés sur nos corps, marquant nos gestes, et nos bonheurs espérés. Personne n'a photographié le siècle des Lumières ; mais personne aujourd'hui ne peut non plus dire qu'il s'en souvient. Entre méditation, travail d'écriture et de recherche, j'ai cherché à rejoindre dans certaines images du présent le territoire des voix, des larmes et des désirs de ceux qui existèrent hier et font encore partie de nous. Ils sont là comme des fantômes familiers. A notre insu, des photographies retiennent quelque chose de ces traces du passé. Arlette Farge.