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A la fin du XIXe siècle, sur fond de colonisation et de décomposition des empires asiatiques, les Européens ont imaginé une scène internationale inédite à l'échelle de la planète. Dès 1917, avec Woodrow Wilson, les Américains ont conçu le grand récit qui s'y déroulerait - la lutte du Bien (liberté) contre le Mal (tyrannie)-, repris successivement par Rooseveit (le Bien contre le fascisme), Truman (contre le totalitarisme) et aujourd'hui Bush (contre le terrorisme). La réélection de George Bush se fonde donc sur un consensus ancien : l'idée d'une "destinée manifeste" de l'Amérique. Cette "mission libératrice" des Etats-Unis n'est pas sans rappeler la "mission civilisatrice" des Européens de l'ère coloniale. Mais, si la page du colonialisme est bel et bien tournée, la notion de supériorité morale, elle, n'a jamais complètement quitté l'esprit des Occidentaux. Et ce qu'on présente en général comme un décalage entre l'Amérique et le reste de la planète relève plus profondément d'un problème de relation entre l'Occident et le monde non-occidental. Les Américains comme les Européens ne pourront faire admettre leurs valeurs communes - la démocratie, l'Etat de droit-, s'ils n'ont pas une conscience plus affûtée de leur position face au reste du globe. Depuis soixante ans, l'Europe a la chance d'être le laboratoire d'un nouveau mode de relations internationales. Elle n'en fait pas pleinement usage, mais elle peut proposer une autre manière de défendre les valeurs universelles. Ce livre renouvelle le débat actuel sur la politique étrangère des Etats-Unis et sur la relation transatlantique, en insistant sur le rôle décisif des discours et des représentations dans la géopolitique. Aujourd'hui, et plus encore demain, les représentations géopolitiques constitueront un enjeu de pouvoir, au même titre que la course aux armements ou que le développement technologique.