Pourquoi la philosophie a-t-elle pris sur elle, à un moment donné, de libérer le beau d'idéaux et de règles qui le maintenaient dans une recherche
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Pourquoi la philosophie a-t-elle pris sur elle, à un moment donné, de libérer le beau d'idéaux et de règles qui le maintenaient dans une recherche
métaphysique ? Au XVIIIe siècle, dans le registre de l'art, ont lieu de nouvelles expérimentations anthropologiques qui dissolvent les présupposés platoniciens de la beauté absolue. Les phénomènes esthétiques basculent dans une valorisation sans
précédent du relatif. D'une part, la beauté est affaire d'expérience perceptive. D'autre part, son contenu dépend de l'époque, des institutions politiques, des coutumes et des modes. Le dispositif théorique qui contribue à ce renversement de perspective peut être nommé en philosophie l'empirisme. A l'intérieur de ce nouveau regard sur la beauté, les positions de philosophes comme Hutcheson, Hume, Smith ou Reid s'avèrent profondément novatrices. Ces pensées, à travers le souci d'une enquête sur la nature humaine, dressent un portrait de l'homme esthétique dans lequel percepts et affects déterminent une appréciation subjective de l'art. La beauté est une modalité
essentielle de la tonalité affective de l'homme et indique un nouveau rapport à soi. Elle est aussi un instrument de la distinction sociale car elle participe
d'un questionnement sur le progrès de la civilisation, le degré de raffinement, et le développement d'une société marchande qui l'intègre dans le tableau de la prospérité, du luxe et de la puissance.
Fabienne Brugère est professeur de philosophie à l'Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3. Ses travaux portent sur la philosophie de langue anglaise et sur l'esthétique.