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La pensée de Spinoza est gouvernée par les nécessités de la raison. L'exactitude des propositions initiales décide invinciblement des plus ultimes conséquences qu'on en déduira. La rigueur éthique ne transige pas avec cette loi. Il faut donc à un moment réclamer les conditions socio-politiques les plus favorables à l'avènement du vrai. C'est la démocratie.
Pourtant, Spinoza ne croit pas tous les citoyens capables d'assumer l'engagement démocratique. L'intelligence requise pour cela leur manque. Pour eux, la religion est plus adaptée : elle obtient l'obéissance appropriée à la paix civile. Elle les aide à se montrer sages. Mais quelle religion ?
Pour Spinoza et son siècle, le christianisme est la réponse occidentale, quand bien même les réformés et les papistes se déchirent entre eux pour en établir l'authenticité. Il se fonde en tout cas sur l'accomplissement de l'" ancien " Testament par un " nouveau ". Philosophiquement, il détermine les conditions d'une métaphysique décidant quel au-delà est habilité à gouverner le monde. Pour trancher ce problème, Spinoza entreprend d'établir le caractère simplement historique du texte biblique. Ce faisant, il est amené à discuter le statut du " peuple hébreu " puisque celui-ci attend encore son Messie dans un monde chrétien qui l'a déjà reconnu dans la figure du Christ. Fidèle à sa tradition, le peuple juif se voit ainsi placé dans un statut poétique qui rend son existence politique et sociale aléatoire.
Une lecture attentive de Spinoza met en évidence les aspirations problématiques de la métaphysique. Nous n'avons pas fini d'en assumer la responsabilité. La conscience historique ne nous a pas innocentés. Lisant au plus près de son texte l'engagement de Spinoza, nous apprenons comment l'écriture fait la philosophie et, de là, notre humanité.
Pierre-Yves Bourdil, né en 1947 à Paris, docteur en philosophie et en littérature, enseigne la philosophie en khâgne. Il est l'auteur notamment, de Faire la philosophie, publié dans la même collection (1996).