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En juillet 1945 Martin Heidegger comparaît devant une commission de dénazification pour y répondre de deux chefs d'accusation : avoir mis l'université de Fribourg, dont il avait été recteur, au service du Parti national-socialiste ; avoir asservi son enseignement philosophique à un endoctrinement. II s'agit, pour les autorités françaises d'occupation, de faire un exemple du plus célèbre philosophe européen. Paradoxe : il ne reste de cet épisode crucial, qui reviendra hanter la carrière et la postérité de Heidegger, que l'acte d'accusation et le verdict. La plaidoirie de Heidegger a disparu. Mais deux philosophes américains, spécialistes de Heidegger, l'ont reconstituée, en renouvelant le geste de Platon qui écrivit la plaidoirie, perdue elle aussi, de Socrate, la fameuse Apologie. Heidegger, comme Socrate, y répond de l'accusation d'avoir corrompu la jeunesse et, comme Socrate, il y réplique par une analyse de la relation enseignante et le péril d'avoir à se justifier devant une autorité politique. II était temps de faire connaître au public français cet Art d'enseigner du penseur de la Forêt-Noire, qui est à la fois une remarquable introduction à sa philosophie et une brillante démonstration de ce qu'une connaissance intime de son œuvre peut produire d'actuel.