J'ai rencontré l'œuvre de Godeg dans la galerie d'Alain Margaron dont les choix sortent des sentiers battus. L'œuvre de Godeg m'a tout d'abord étonné. Elle m'a très rapidement impressionné. Qui était Godeg ? Je n'en avais jamais entendu parler. Je n'avais vu ses œuvres dans aucune exposition et, pour autant que je m'en souvienne, dans aucun musée. Et pourtant, sur les cimaises de la galerie, l'œuvre était là, forte, pertinente, audacieuse. Ces peintures ouvrant sur la toile des ciels tourmentés et verts comme ceux du Greco dans sa vue de Tolède me rappelaient tout un pan du travail de Zao Wou-Ki que j'apprécie et respecte tant. L'usage de l'or rejoignait dans un parti pris esthétique et philosophique totalement différent, celui qu'en faisait, au même moment, de façon iconique, Yves Klein. Godeg n'avait pas pour moi d'histoire. Je n'en savais rien, mais il avait une œuvre qui en faisait à mes yeux un artiste digne d'être connu. Alain Margaron allait m'éclairer sur sa vie cette vie témoin, acteur, victime de l'histoire d'un pays et d'un siècle. La vie de Godeg se déroule entre le règne funeste de Guillaume II et l'avènement à la chancellerie de la République Fédérale d'Allemagne d'Helmut Kohl. Il aura connu la guerre de 14-18, les combats de Verdun où il fut blessé, l'avènement du Nazisme et la chape de plomb que ce régime allait faire peser sur les Hommes, les idées et la création, la guerre encore, celle de 39-45 qui le mobilisa, une fois encore, sur le front français ou, plus exactement, dans l'occupation de la France défaite, à Paris et en Bretagne, la défaite, à son tour, de l'Allemagne, son occupation et sa partition, la partition de Berlin où il vivait, à Charlottenburg, et dont il n'aura pas connu la réunification, en 1989. Il est, en effet, mort en 1982. Cette vie, cette œuvre, sa faible reconnaissance par les institutions, par le marché de l'art ne pouvaient que me donner à réfléchir, une nouvelle fois, sur les caprices, sur les aveuglements, sur l'arbitraire de l'histoire de l'art, reflets de ceux de l'histoire en général, mais aussi sur le fait que l'histoire sait toujours reconsidérer ses points de vue, ses certitudes, ses choix, sur le fait que tant qu'il reste une trace, l'histoire peut encore être faite ou refaite, en tout cas réécrite, qu'elle se délecte d'ailleurs de ses repentirs, de ses redécouvertes. Elle est capable de rédemption.