Cézanne, on le sait, aimait travailler sur le motif. C'est-à-dire sur le terrain. L'idée, donc, de retrouver, par la photographie, les lieux, les espaces, les sites, les paysages qu'il a fixés sur ses toiles, ses dessins, ses croquis, ses esquisses, mais surtout sur ses tableaux les plus célèbres, vient naturellement à l'esprit, du moins pour ceux qui ont pris la peine, ou l'habitude, de mettre leurs pas dans les siens. C'est le cas de Pierre-Jean Amar, dont l'œuvre est déjà confirmée, mais qui a l'avantage de vivre et de travailler dans une région qui fait de lui le voisin de Cézanne. Moi-même, vivant à Aix depuis longtemps et connaissant les itinéraires du peintre, ayant écrit en outre sur sa vie, ses expériences et ses compagnonnages (Cézanne, la vie, l'espace, Seuil 1986 ; Cézanne et Zola se rencontrent, Actes Sud), j'apprécie l'exercice de lucidité qui consiste à confronter des images - c'est-à-dire des photographies - d'aujourd'hui aux perspectives, aux formes et aux couleurs qu'il nous offre dans ses tableaux. Certes, les lieux changent et se transforment avec le temps et cette confrontation peut réserver des surprises. liaison de plus pour les explorer par l'image et l'objectif. Je crois que, de toute façon, on s'y retrouve. Sainte-Victoire, carrières de Bibémus, Tholonet, rochers de Château Noir, ponts qui surplombent l'Arc, plans d'eau, Jas de Bouffan : on refait dans le concret, sur le vif, un chemin que le peintre a découvert dans son enfance et a parcouru avec obstination jusqu'aux dernières heures de sa vie. Tenter d'y parvenir, c'est rendre hommage à sa présence qui n'a jamais été aussi forte dans l'espace qui est le sien. Raymond Jean