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Au XVIII ? siècle, l'Histoire était généralement exempte des passions nationales : les historiens du XIX ? siècle et, plus que tous les autres, les historiens allemands s'y adonnèrent avec une croissante frénésie. Ils transformèrent en arsenaux les archives. L'Europe du XX ? siècle est sans doute trop menacée, elle devient trop misérable pour le luxe monstrueusement onéreux de ses antagonismes nationaux. Elle doit prendre, et elle prendra, une conscience toujours plus claire de ses profondes solidarités. Aux histoires de ses diverses patries, elle substituera celle de leur commun passé. Ce premier volume considère l'Occident chrétien d'Attila à Tamerlan : c'est l'épopée de la Chrétienté gothique. Entre la Louve et le Croissant, l'Europe, qu'après le désastre de Rome l'Asie menace de submerger, se ressaisit et se reforme : les Croisés poussent ses frontières jusqu'à la Syrie. Les contradictions du césaropapisme, les guerres intestines, les hérésies, la retombée de l'élan vital - dans l'Islam comme dans la Chrétienté - ouvrent une chance nouvelle à l'Asie, qui, en cinq siècles, produit les empires formidables et précaires des Khitais, des Ghaznévides, des Seldjoucides, de Gengis Khan, de Mengou, de Bajazet, de Tamerlan. Si bien qu'à la fin du XV ? siècle, l'Occident paraît promis aux mêmes périls qu'il avait surmontés entre le V ? et le X ? siècle. Il va d'ailleurs les surmonter encore par un nouveau miracle culturel : les grandes découvertes, l'humanisme et la Renaissance ; les sédentaires l'emportent décidément sur les nomades. Ce millénaire, si longtemps méconnu, est pourtant celui qui comporte pour nous les plus précieuses leçons.
Historien, journaliste, essayiste, né en 1892 au Vésinet. Ami de Proust, de Malraux, de Drieu la Rochelle, a été directeur de Marianne. Critique de la bourgeoisie et historien de l'Europe. Mort en 1976 à Paris.