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Quoi de commun entre Paul Gauguin (1848-1903) et Paul Signac (1863-1935) ? Le premier, révolté, rompt avec l'académisme et nous transporte au bout du monde à la recherche d'un Eden perdu et retrouvé. L'autre, proche des anarchistes, mais vite consacré comme peintre officiel du néo-impressionnisme puis de la Marine, peint sans relâche bords de Seine et ports de pêche. Si différents qu'ils paraissent l'un de l'autre, quelque chose d'essentiel les rapproche : une nouvelle conception du "titre", considéré jusque-là comme un détail insignifiant de l'oeuvre, et auquel ils assignent chacun à sa manière, un statut artistique sans précédent. Gauguin inscrit le titre dans l'espace pictural lui-même et le formule en tahitien, en accordant à la langue et à la culture de l'autre une complète dignité artistique. Quant à Signac, il emprunte à un autre médium, l'écriture musicale, le principe d'une intitulation sérielle par "Opus". Dans cette étude admirablement informée, Marianne Jakobi montre qu'en bouleversant le concept même de titre, Gauguin et Signac incarnent deux formes de réactions exemplaires qui subvertissent à la fois le modèle industriel et le sens de la création, et inventent ainsi une nouvelle forme d'art.
Marianne Jakobi, auteur de Jean Dubuffet et La Fabrique du titre (2006), est maître de conférences en Histoire de l'art contemporain à l'université Blaise Pascal - Clermont 2, en délégation CNRS à l'ITEM.