Conservateurs de musées, commissaires d'expositions, experts, critiques d'art, enseignants, philosophes, et même juges des tribunaux... Mais aussi galeristes, commissaires-priseurs, restaurateurs, assureurs, transporteurs, photographes, décorateurs, médiateurs, gardiens de musées... Tous ces professionnels contribuent à faire sortir les oeuvres des ateliers, à les exposer, à les qualifier, à les commenter, à les évaluer, à dire ce qu'est l'art ou ce que sont les artistes ; et, ce faisant, à les intégrer dans le monde de l'art. Sans ces médiations, nous ne verrions rien, sinon peut-être des objets entassés dans des ateliers ; et sans elles, probablement, nous n'en penserions pas grand-chose. Pourtant, le paradoxe de ces fonctions qui font voir est qu'elles sont, elles-mêmes, quasiment invisibles. Car l'on croit spontanément que l'art, c'est une relation duelle entre le tableau et son spectateur. Or non : il s'agit d'une " relation à trois ", un " triple jeu " entre, d'un côté, les oeuvres ; de l'autre, leurs " regardeurs " (comme disait Duchamp) ; et entre les deux, leurs intermédiaires, sans lesquels pas grand-chose n'aurait lieu. Quelles sont les valeurs et les représentations sous-jacentes aux décisions d'achats par les conservateurs de musées, ou encore, en matière d'art contemporain, les modalités concrètes de subventions ou d'acquisitions par les FRAC ? Quels sont les arguments utilisés par les critiques et les spécialistes d'art pour qualifier ou disqualifier une oeuvre ou un artiste ? Comment les juristes disputent-ils à propos d'une sculpture dans l'enceinte du tribunal ? Telles sont les principales questions dont traitent les textes réunis dans ce recueil. En annexe, une postface méthodologique explique " comment observer une commission ", pour ceux qui voudraient explorer cette problématique par leurs propres moyens.