Au Burkina Faso, la mise en oeuvre des programmes d'ajustement structurel et des stratégies de réduction de la pauvreté - reprises et développées dans le " Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté " - au cours des années 1990, suscite la question de l'évaluation du progrès social réalisé. Dans cette perspective, la recherche tente d'appréhender la configuration de la dynamique de pauvreté et d'inégalité, par rapport à l'environnement macro-économique et aux mutations structurelles liées à l'urbanisation. Fondée sur l'analyse des informations des enquêtes prioritaires -1994-95 et 1998 -, et démographiques et de santé -1992-93 et 1998-99 -, l'étude aboutit à quatre conclusions. Premièrement, au cours de la décennie 1990, caractérisée par une conjoncture macro-économique favorable - le produit intérieur brut ayant augmenté de 5 % en moyenne entre 1994 et 1999, contre 3 % au cours de la période 1980-93 -, la pauvreté nationale semble s'être stabilisée. D'une part, la stabilité de la pauvreté monétaire nationale est fortement probable - le ratio de pauvreté des ménages est de 34,6 et 34,5 %, respectivement, en 1994-95 et 1998 -, une appréciation renforcée par les tests de dominance et d'inférence statistique. D'autre part, l'absence de changements significatifs de la pauvreté en termes des capacités - indice multidimensionnel et approche des actifs - est mise en évidence. Deuxièmement, des mutations structurelles quant à la localisation de la pauvreté tendent à générer une nouvelle carte des privations : changements structurels de la pauvreté rurale - dans son ensemble, remarquablement stable, et expliquant toujours plus de 90 % de la pauvreté nationale -, et urbanisation des privations - entre 1994-95 et 1998, le ratio de pauvreté urbaine est passé de 7,4 à 10,3 %. Par ailleurs, une étude économétrique spatiale montre que le taux de croissance de l'incidence de la pauvreté urbaine provinciale relative excède de 14 % celui du taux d'urbanisation régionale, une évolution à relier à la précarité accrue des emplois urbains, et à l'affaiblissement progressif de la mobilisation du capital social - en particulier des transferts externes. Troisièmement, la distinction entre la pauvreté durable et transitoire, en relation avec la vulnérabilité, complexifie l'appréhension de la dynamique des privations. Ainsi, entre 1994-95 et 1998, la probabilité moyenne de pauvreté des ménages a augmenté de 7,1 % - 0,379 à 0,406. En outre, l'hypothèse de la stabilité de la pauvreté globale au cours des années 1990 est amendée par plusieurs éléments, parmi lesquels : (i) une progression de la proportion des ménages très vulnérables ; (ii) une montée de la pauvreté durable ; (iii) une augmentation de la part de certains ménages non pauvres fortement exposés au risque de pauvreté à court terme. Quatrièmement, l'interférence des inégalités par rapport à la dynamique de pauvreté, et la progression des disparités en termes monétaires ou des capacités, notamment en milieu urbain, constituent probablement de nouveaux défis des stratégies de développement. Ainsi, des disparités d'évolution prévalent selon le milieu : recul de l'inégalité des dépenses par tête dans le secteur rural, précisément là où la pauvreté a stagné, et augmentation dans les villes où la privation monétaire s'est accentuée. En outre, en utilisant la mortalité et la malnutrition des enfants comme exemples d'indicateurs des capacités des ménages, la recherche montre à la fois une progression du niveau de la survie et du statut nutritionnel des enfants avec l'urbanisation, et une élévation de l'inégalité de la mortalité infantile et infanto juvénile, et de la malnutrition - un doublement du taux d'urbanisation régionale implique une élévation de 30 des indicateurs d'inégalité de malnutrition des enfants de moins de 5 ans, excepté l'émaciation.