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Des bateaux, j'en vois partout depuis que j'ai ouvert les yeux. C'est probablement la maladie commune à tous ceux qui vivent trop près de la mer. Ces bateaux, jusqu'alors, je ne grimpais pas dessus, jamais. Si l'on grimpe à bord, le capitaine a vite fait de lever l'ancre et de vous emmener au large, d'où on ne revient plus. Qu'on me comprenne : j'ai deux enfants et une gentille épouse, je ne tiens pas à m'éloigner jusqu'à la fin des terres. On dira ce qu'on voudra, les savants ont beau changer la face du monde chaque matin quand ça les chante, on ne m'enlèvera pas de l'idée que la fin du monde existe bel et bien, là-bas, vers l'ouest, après l'océan. Mon grand-père Ernesto, un fort brave homme, me le murmurait à l'oreille lorsque nous nous promenions sur la plage bordant notre village : " Tu vois, petit Rico, là-bas, après le soleil, au bout du bout, tu sais, l'océan s'arrête brusquement et les navires, s'ils n'y prennent garde, s'ils ne font pas demi-tour immédiatement, versent alors dans le néant. Quoi qu'en dise ce fou de Colombo, là-bas, au bout, c'est le vide du vide ! " Après des récits contemporains, Éric Lebreton livre son premier roman, où l'attrait pour le mystère et l'envoûtement d'un monde nouveau s'insèrent dans un cadre historique précis. Son héros ne se prive pourtant pas de porter sur ce monde, comme sur lui-même, un regard chargé d'humour et d'ironie.