Par la suite il voyage. Scrute les paysages, regarde, cherche des correspondances, interroge les pays, leurs noms, leurs formes, leurs climats. Veut savoir quelle proportion de lui découle de sa topographie d'enfance et d'adolescence, quelle proportion émane de l'éducation, quelle de son expérience. Veut distinguer ce qui monte de la terre de ce qui lui appartient en propre. Qu'y a-t-il d'inné ? d'acquis ? Il voit de belles choses : un crépuscule sur le Rhin, à Mannheim, un château mythique dans les vignes de Bavière, un jour mourant sur le Brabant wallon, une route où deux clochers s'alignent sur l'axe du soleil couchant, les tumulus des rois thraces au milieu des rosiers, dans les montagnes bulgares, les caps de Bretagne, les pointes du Finistère, un cimetière de bateaux au creux d'une côte accidentée, un sillon qui s'estompe dans l'Océan, la ronde des cygnes sur l'eau noire des lacs et le vol des canards. Il voit le désert du Néguev, le désert de Juda.