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Celui qui ouvre un livre «avec figures» est prévenu. Ce lecteur est aussi spectateur. Il l’est parfois avant tout et s’attardera sur un frontispice, au seuil d’un volume. Il l’est peut-être surtout et cherchera des images dispersées. Qui sait même s’il lira le livre, fût-ce un roman ? Et qui dit que ces images seront contemplées durablement ? On voudrait rendre compte ici de cette précarité et de cette intimité des relations du livre illustré et de son lecteur-spectateur. Le XVIIIe siècle est sans doute le siècle de l’illustration. Ces estampes s’imposent comme une évidence mais elles opposent aussi une résistance. Peut-on seulement encore voir ces gravures, ces eaux-fortes d’après Cochin, Gravelot, Eisen, Chodowiecki, Moreau, Marillier ou Stothard ? Et qu’y voyons-nous ? On montre et on explore ici ces figures, omniprésentes dans le livre et oubliées, indispensables et méprisées. Le XVIII e siècle est peut-être aussi le siècle du roman. La Vie de Marianne, Clarissa, Julie ou La Nouvelle Héloïse et Le Paysan perverti tournent autour des figures que sont leurs personnages. Leurs éditions parues entre les années 1730 et la fin des années 1780 sont les jalons majeurs de l’illustration romanesque en Europe. Mais qu’est-ce que le roman aurait à voir avec l’image précisément ? Qu’est-ce qui fait image et que fait l’image ? On tente ici de cerner ce qui hante le roman et lui échappe, ces figures qui sont autant de fantômes. Faire avec toutes ces figures, c’est accepter l’étrangeté de l’image et interroger la familiarité du texte ; c’est rendre justice au livre qui les met face à face ; c’est engager notre imagination et entrer dans la fiction.